Bernadette Puijalon fut, à son époque, l'une des rares étudiantes à s'intéresser au problème de la vieillesse chez l'homme. Trente ans avant la canicule de l'été 2003, elle rédigeait sa thèse d'anthropologie sur l'avancée en âge et la dépendance.
Née en 1951, Bernadette Puijalon est donc de ma génération. Pourtant, pendant qu'au même âge, mon intérêt se tournait vers le développement de l'enfant et l'enseignement primaire, elle se penchait sur l'adulte vieillissant. Elle fut une élève de Louis-Vincent Thomas - né le 2o mai 1922 et mort le 22 janvier 1994 -, anthropologue, spécialiste de l'Afrique, et fondateur de la Société française de thanatologie (1).
Dès 1977, elle est anthropologue à l'université Paris-Est-Créteil, et donne encore aujourd'hui un cours sur "l'âge". Elle dirige un master pour les professionnels de la gérontologie.
Comment Bernadette Puijalon est-elle passée de l'anthropologie au roman ?
Elle a tiré ses matériaux des récits recueillis auprès de ses parents et d'amis âgés, dans les maisons de retraite, ainsi qu'au cours de veillées dans sa campagne natale - car Bernadette est issue d'une lignée de paysans auvergnats. Chaque histoire de vie ainsi écoutée est venue alimenter ses polars. Oui, vous avez bien lu ! Bernadette Puijalon écrit aussi des romans policiers. Son principal héros est un vieillard de la fin du XIXème siècle, plein de bon sens, qui résout avec son ami - un jeune paysan venu du Limousin -, des meurtres perpétrés en Auvergne. Elle en profite pour dénoncer l'idée que les vieux étaient mieux traités avant : "C'est faux ! Il y avait cohabitation, mais pas spontanément harmonieuse. Les relations privées et publiques entre les générations ont toujours été conflictuelles."
Pour Bernadette Puijalon, "Vieillir, c'est devenir moins étranger à soi-même." Elle affirme d'ailleurs : "En racontant la façon dont ils ont traversé l'existence, les gens donnent eux-mêmes du sens à leur vie et avancent en intériorité. [...]"
Bernadette Puijalon n'aime pas l'expression bien vieillir. Pour elle, "Bien vieillir, c'est ne pas vieillir ! Et ceux qui ne vieillissent pas bien, qu'est-ce qu'on en fait ?"
Quand elle rencontre Edgar Morin (2), ce dernier a alors soixante-dix ans. Il lui a dit une très belle chose : que "chacun porte en soi l'ensemble de tous les âges : le meilleur du petit garçon qu'on a été, du jeune homme, du père de famille, puis du vieillard qu'on est devenu." Cette définition a marqué Bernadette Puijalon au point de la faire adhérer à cette pensée : "J'aime cette idée d'un dialogue entre nos personnages intérieurs, l'enfant, l'adulte, et le vieux que nous serons un jour."
Pour moi, je pense que la peur de vieillir - qu'elle soit consciente ou non -, est ancrée en chacun de nous. Sachons l'apprivoiser... pour pouvoir profiter pleinement du moment présent, quel que soit notre âge !
Article de Lucile Gauchers d'après les propos recueillis par Dominique Fonlupt pour l'hebdomadaire chrétien d'actualité
La Vie [n° 3448 du 29/09 au 05/10/2011]
(1) Thanatologie : science de la mort par l'étude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort. De Thanatos (myth. gr.) Dieu de la Mort, fils de la nuit (Nyx) et frère d'Hypnos.
(2) De son vrai nom Edgar Nahoum né à Paris le 8 juillet 1921, sociologue et philosophe français.
Bibliographie de Bernadette Puijalon :
Un essai Le droit de vieillir écrit avec Jacqueline Trincaz, anthropologue et sociologue.
[éditions Fayard - Février 2000]
Un autre essai à venir La vie et je suis vieux.
Ses romans policiers :
L'Oeil du vivier [éd. Tisserand Gérard - Décembre 2001]
Le Moulin des retrouvailles [éd. Tisserand Gérard - Octobre 2002] Prix du roman d'Auvergne
Un parfum de gentiane [éd. Tisserand Gérard - Octobre
2004]
L'heure de l'alouette [éd. De Borée - Mai
2006]
Des monts de tempête [éd. De Borée - Octobre
2008]
Le loup d'Orcival [éd. De Borée - Mai
2011]