Je ne connais pas Emmanuel Fouquet et ne l'ai pas rencontré moi-même ! Cependant, j'ai apprécié d'apprendre qui il est et ce qu'il fait.
Avant d'être un adaptateur pour le cinéma - métier qui consiste à "traduire" en français les dialogues de films étrangers dont il a fait son activité professionnelle -, Emmanuel Fouquet est d'abord un poète. Il a commencé à composer des poèmes dès l'âge de quatorze ans, et cinq ans plus tard il publie son premier recueil. C'est lors d'une rencontre dans le milieu de la création littéraire que Michel Trouillet - que le hasard met sur son chemin -, lui propose de travailler pour la "synchro".
Homme de paroles et de dialogues, Emmanuel Fouquet explique, lors d'une rencontre avec Pierre Corneloup, journaliste, en quoi consiste ce métier :
Ce premier travail était autrefois confié à des "détecteurs". Il consiste à inscrire au crayon, sur la bande de rhodoïd (1), des repères tels que plan de coupe, ouverture et fermeture de bouche des acteurs, soupirs ... jusqu'à la longueur des baisers ! Ces inscriptions doivent correspondre avec précision au défilement de l'image projetée sur un écran placé au-dessus des deux grosses bobines (machine fabriquée à Epinay par Guy Desdames).
Il s'agit du travail d'adaptation des paroles qu'il repère en traçant des inscriptions sur la bande de rhodoïd. L'acteur aura sous les yeux la bande manuscrite pour le doublage. Des indications supplémentaires apportent des précisions aux dialogues ainsi traduits, telles que la forme de l'écriture, la zone plus ou moins longue, la grosseur donnée à certaines lettres ou parties de mots.
Les répliques de Woody Allen sont bourrées de jeux de mots intraduisibles qui obligent les traducteurs à en inventer d'autres en français. Cependant ces mots français doivent "rentrer en bouche"* de l'acteur (*en jargon du métier), c'est-à-dire qu'ils doivent s'inscrire dans le temps de parole et correspondre aux mouvements des lèvres du comédien doublé.
- Connaître et comprendre la discipline professionnelle ou sportive dont parle le film à traduire, à l'aide de dictionnaires appropriés, jusqu'aux coups de fil donnés parfois aux fédérations sportives concernées pour obtenir de plus amples précisions lorsque le personnage est un champion sportif, ou bien à des amis médecins pour la préparation, par exemple, du doublage de la série Urgences !
- Veiller aussi à respecter le rang social des personnages pour que la traduction soit la plus adéquate possible, comme par exemple : "I don't know", prononcé par un Lord anglais, en remplaçant la traduction littérale "J'sais pas" par "Je l'ignore" !...
Le comédien cale ses paroles à l'image projetée, en lisant la bande manuscrite réalisée auparavant. Emmanuel a souvent en tête le visage d'un acteur précis lorsqu'il effectue l'adaptation d'un film. Il écrit en pensant à ce comédien (ou comédienne) et le propose même à la production. C'est d'ailleurs souvent son choix qui prévaut.
Traduire les dialogues de films étrangers en français devient donc un véritable travail de réécriture - presque une re-création. D'ailleurs la SACEM - interlocuteur "historique" car le premier apport en image fut la musique au temps du cinéma muet -, donne la qualification d'auteur à ce métier. La rémunération est basée sur des forfaits : quinze jours pour l'adaptation d'un film ; un mois pour un "grand film". De plus, en tant qu'auteur, des droits lui sont versés à chaque rediffusion.
Pour Emmanuel Fouquet, ce serait justice de créer un César du "meilleur adaptateur" - il existe bien un Molière de l'adaptation théâtrale ! Mais pour l'instant, le nom de l'adaptateur figure quelquefois au générique - certes en toutes petites lettres et en fin de liste !
Article de Lucile Gauchers d'après les propos recueillis par Pierre Corneloup - Magazine "Vie nouvelle" n° 164 - août/septembre 2011.
J'espère que ce portrait d'Emmanuel Fouquet, poète et adaptateur de films, vous aura intéressé.